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Ouverture 3 (suite 2)

myxene

Nouveau poète
#1
C’était comme une musique qui sortait de ses lèvres, une musique au parfum mélancolique de notre lointaine jeunesse alors pleine d’espoirs encore, de ce tout plein d’impossible idéal qui fait rire et qui pousse en avant, pour être un jour cet être merveilleux, qu’on avait souhaité… il y a longtemps.
Elle parlait, et le son de sa voix était si doux à l’oreille, comme un ruisseau frais qui chante le bruissement de la forêt, que Clément, charmé, ne comprenait le sens de ce qu’elle disait.
Et elle se répétait, inlassablement et sans impatience, amusée plutôt, jusqu’à ce que Clément sorte de sa léthargie. En fait, elle ne faisait que se présenter, poussée par ce réflexe poli qui fait que l’on s’annonce toujours avant de discuter : « Bonjour Clément, je suis Camille », et elle souriait de plus en plus, gentiment, sans moquerie aucune, et ses yeux brillaient de mille feux.
- « B… Bonjour Camille… Je… Je suis Clément », lui répondit-il enfin, fronçant soudain les sourcils par les questions qui se présentèrent à son esprit en foule, telles des fourmis affolées qui cherchent la sortie de la fourmilière sans jamais la trouver.
Poussé par la curiosité et l’agacement de ne pas comprendre la situation, elles fusèrent enfin, sans plus de retenue : « Mais qui tu es ? Et tu viens d’où, d’abord ? Dis ? Réponds donc, sinon, j’appelle l’ogre, et il te mangera toute crue ! ».
Ce fut au tour de Camille d’ouvrir de grands yeux étonnés, puis elle éclata de rire, la tête en arrière, et l’on aurait cru des milliers de clochettes qui carillonnaient, carillonnaient, et appelaient à la joie. Si Clément avait voulu lui faire peur ou l’impressionner, c’était raté !
Dans ce corps d’enfant, c’était un esprit plein de sagesse qui reposait et, de Camille ou de Clément, le plus âgé n’était pas celui qu’on pensait.
Bientôt, les clochettes cessèrent de tinter, et Camille reprit un air sérieux, éclairé par un léger amusement, qui parfois ennuyait le petit garçon.
- « Clément, commença-t-elle en s’asseyant toute droite dans le doux fauteuil de velours rouge ayant appartenu à Viviane, le bouquet d’arums blancs sur les genoux, Clément, la vie, les gens, ce n’est pas ce qu’il te semble ».
Elle avait plongé ses yeux azur dans ceux de Clément, qui, toujours debout, écoutait les sages paroles de l’enfant, comme un disciple son maître, devinant l’importance des mots prononcés doucement.
- « Ecoute, écoute, Clément, continua-t-elle, lorsque tu entends quelqu’un rire et te dire que tout va bien, pense que cette personne peut avoir le cœur déchiré et l’âme perdue. Tout est un jeu de cache-cache lorsqu’on vieillit et qu’aucune émotion ne doit transparaître du visage qui sert de façade. Toi qui es tout jeune, déjà, pour dissimuler ton impatience provoquée par l’attente que tu as de ton père, tu fuis dans les livres et tais ton chagrin en t’évadant au travers d’autres histoires. Mais regarde la tristesse qui se reflète dans ton regard ! Le même chagrin se lit dans celui de ton père, mais lui, c’est dans le travail qu’il se cache, afin de ne pas te montrer sa propre peine. Parle, Clément, crie si le cœur t’en dit ! N’attends pas le temps des regrets et du trop tard ! Va ! Pleure, chante, ris, voyage ou demeure, mais ne tais pas ce que ton cœur te confie, n’éteins jamais le feu qui te brûle ! ».
Les joues rosies par la passion, Camille tendit sa petite main vers Clément, qui, fasciné, ému et heureux sans savoir pourquoi, lui donna la sienne. Il plongea dans l’aube naissante des yeux de Camille et…

- « Clément ! Clément ! Réveille-toi ! ».
Sous les appels que son père réitérait pour la énième fois, Clément finit enfin par s’éveiller.
- « Hé bien ! fit Alfred en souriant, pour une fois que je quitte mon cabinet un peu plus tôt ! Et voilà que tu dors comme un bienheureux ! ».
- « Papa, c’est toi ! », fit Clément, étonné.
- « Mais, bien sûr ! répondit son père. Qui veux-tu que ce soit ? La sainte Vierge ?! ».
Alfred regardait son fils, ému par le minois chiffonné qui s’offrait à sa vue, et il souriait un peu, son cœur encore empli de sanglots ne lui laissant que peu de répit et bien peu d’occasions d’en être distrait.
Bouleversé, Clément cherchait en vain Camille du regard, que deux secondes plus tôt il tenait par la main, et qu’il appelait, désolé :
- « Mais… Camille ? Où est Camille ?! ».
- « Camille ? Quelle Camille ?! Tu dormais, c’était un rêve, mon petit ! » répondit Alfred, un peu décontenancé par les cris de son fils.
Clément tentait de retenir les larmes qui montaient, tel un flot de pluie à la saison des crues, à l’idée que Camille n’avait été qu’un rêve et qu’il ne la reverrait pas.

C’est alors qu’il se souvint des paroles de celle-ci :

Ne pas taire ses émotions était le secret du bonheur.