Nous utilisons des cookies pour vous garantir la meilleure expérience sur notre site web.
Si vous continuez à utiliser ce site, nous supposerons que vous en êtes satisfait.

  • Visiteur, merci de ne pas poster plus de 5 poèmes par jour. Ceci dans le but d'améliorer la visibilité du site.

Ouverture (suite 1)

myxene

Nouveau poète
#1
Chacun confiné dans son chagrin se débattait dans la crypte des souvenirs, qui, toujours au printemps fané des prunus, s’en revenaient plus lancinants encore, gelant leurs cœurs dans la maison triste, où les murs devenus muets, n’étaient plus l’écho des rires si doux à donner.

- « Alors, s’exclama soudain Robert, penché sur quelque grappe, qui, on ne sait pourquoi, retenait toute son attention, ton père n’est toujours pas rentré ? ».
Boudeur, Clément fit la moue, tout en bousculant la terre sèche avec son pied déjà poussiéreux :
- « Penses-tu ! répondit-il en soupirant. Je vais rentrer. Peut-être qu’aujourd’hui, il viendra plus tôt ? Et puis à la maison, il fait moins chaud », poursuivi-t-il en bâillant.
Robert se redressa, et les poings sur les hanches, un sourire attendri posé sur les lèvres : « Tu as raison. Et puis, je crois bien que tu devrais t’allonger un moment. T’as dû encore veiller à attendre ton père, et te voilà tout fatigué ».
- « N’importe quoi ! Je suis grand maintenant ! La preuve, c’est toujours moi qui fais la cuisine, et papa me dit toujours qu’un cuisinier ne m’arrive pas au mollet ! », se rebella l’enfant.
- « On dit : « A la cheville », pas « Au mollet », Clément ! Allez, file ! », répondit en riant Robert, amusé par la contrariété et les propos du petit garçon.
La maison de Clément n’était pas bien loin des vignes, mais, malgré la courte distance qui les séparait, il eut l’impression d’un chemin infini, tant la lassitude, due à la fatigue et la chaleur conjuguées, envahissait son corps.
Il poussa le petit portail du jardin mal entretenu, son père n’y prenant pas garde, si bien qu’on l’eût presque dit à l’abandon, tant les herbes folles avaient envahi les parterres de rosiers, tandis qu’une lutte silencieuse se jouait entre les arbres et le lierre.
A peine eût-il refermé sur lui la porte d’entrée, qu’il fut enveloppé par l’air frais de la maison.
Les volets étant tous tirés, une douce pénombre flottait en chacune des pièces somnolentes, et Clément cru, en se servant une citronnade, qu’il faisait un honteux tintamarre.
En entrant dans sa chambre, il prit son livre « L’enfant de la haute mer » et s’allongea sur son lit, où, au bout de trois pages, il s’endormit.
C’est un bruit de pas, dans l’atelier de sa mère, où ni son père ni Clément n’allaient plus, qui le réveilla.
Un rat, songea-t-il d’abord, un peu assoupi.
Mais les pas n’étaient pas ceux d’un rat.
Un bandit ! pensa-t-il cette fois, complètement réveillé.
Il sentit le premier frisson de la peur parcourir son corps, tandis qu’une sueur fine et froide commençait à perler sur son front. Un bandit ! Et son cœur de bondir dans sa poitrine, et ses dents de mordiller ses lèvres. Angoissé, la respiration courte, il tendait l’oreille.
Le bruit de pas était plutôt léger, comme porté par de petites jambes. Un nain comme dans les livres ? Un nain voleur ? Et méchant ? Que voulait-il prendre ?
Les pensées de Clément avaient chassé sa peur, et rien ne se passait qui justifiât son réveil.
Tout à coup, il entendit la fenêtre de l’atelier s’ouvrir.
Alors, sans plus songer, il prit sa batte de base-ball, décidé à affronter le responsable de ses tourments : nain ou géant, qu’importait ! La colère, désormais, régnait en maître dans l’âme habituellement douce de Clément, et, ainsi armé, il grimpa les marches deux à deux, ouvrit la porte à la volée, et…

Une petite fille se tenait là, face à la fenêtre ronde de l’atelier, immobile, ses cheveux blonds habités de soleil, voletants, caressés par la brise dans une harmonie douce. Un vieux mouchoir blanc noué aux quatre coins lui tenait lieu de chapeau, tandis qu’une robe trop courte recouvrait mal son petit corps trop fluet.
Une paire de chaussettes dépareillées et des sandales trouées aux pieds complétaient le tableau.
Elle baignait dans tout un pan de lumière d’été, auréolée de mille petites poussières, et semblait sortie de nulle part, sinon d’un conte merveilleux d’où elle se serait égarée, pour se retrouver chez Clément, calme et sereine, indifférente au brouhaha incessant du boulevard côtoyant la rue des Saules.
La petite fille pâle respirait la pauvreté, mais non pas le drame qui souvent l’accompagne. Tout en elle était propre, et rien ne laissait à penser qu’elle pût être malheureuse : elle tenait dans ses mains un bouquet d’Arums blancs, et regardait, au loin, la naissance de ses rêves ; un sourire flottait sur ses lèvres rouges, et ses narines délicates palpitaient au son de la vie qui s’annonçait à elle.
Elle avait les yeux bleus azur, piquetés d’or, tel un pastel trop parfait, parsemé ici et là de quelques gouttes de distraction.
Elle était là, si jolie, si petite, fée à la place de nain, que Clément, les yeux écarquillés et la bouche béante, avait lâché sa batte de base-ball, incapable de penser, le regard émerveillé et stupéfait.
Doucement, pour ne pas l’effrayer, la petite fille tourna son visage trop pâle et trop fin, peut-être trop beau aussi, vers Clément, et se mit à lui parler.